« Un français d’origine maghrébine », quand pareille sentence est articulée par un ministre ou un haut fonctionnaire en exercice, cela nous surprend et nous met mal à l’aise. S’agit-il d’un français avec un passeport français, parlant le français et ayant suivi ses classes dans une école française, ou d’un nord-africain clandestin, baragouinant péniblement quelques mots de la langue de Molière à la recherche d’un emploi ?
Dans le premier des cas on s’adresse bel et bien à un Français. Pourquoi dès lors le traiter presque officiellement de Français de seconde zone ? Serait-ce du racisme ? Possiblement inconscient, mais ô combien blessant pour celui qui reçoit cette formule en pleine figure.
Nous avons souvent constaté que « Français de seconde zone » s’adresse plus particulièrement à ceux ou celles que nous jugeons différents parce que issus des anciennes colonies et considérés alors, à tort, comme inférieurs. Cette habitude nous semble ancrée dans l’inconscient collectif et n’a, hélas, pas volé en éclats avec la création des droits de l’homme.
Dans le second cas il s’agit d’un ressortissant marocain, tunisien ou algérien à la recherche d’un travail introuvable chez lui. En possession d’un passeport prouvant son identité en tant que ressortissant d’un autre pays, il est difficile de confondre les deux. L’un est Français, l’autre non. Mais l’un et l’autre ont droit au même respect dans la patrie des droits de l’homme, à moins qu’il s’agisse d’une antienne sélective.
Etre Français ou un quelconque quidam d’une contrée lointaine, est un privilège en soit. Cela témoigne d’une appartenance, assure une identité en officialisant l’existence et l’histoire d’un patrimoine. Cela donne droit à un passeport et par conséquent à la liberté de circuler à travers les continents. Dès lors ce titre de voyage devrait bénéficier du même respect que celui d’un ressortissant, du Maghreb, de la Côte d’Ivoire, de Turquie, de Chine, de Russie, d’Australie ou d’Argentine, à moins d’admettre être raciste.
Nous savons tous que le racisme correspond à une réalité et est un des gros travers de l’Homme. S’il n’est en aucun cas justifiable, il serait moins condamnable pour celui ou celle qui y succomberait, que cette vision de l’autre fût assumée au grand jour. Il n’y a rien de plus détestable que l’hypocrisie.
En écoutant la radio, en regardant la télévision ou en plongeant le nez dans la presse « dite » bien informée, l’expression « français d’origine »…etc., revient sans cesse et n’est pas, loin s’en faut, que le slogan du Front national.
Elle est abondement utilisée par nos chers privilégiés, nos virtuoses du centre, de la droite comme d’une certaine gauche. Ceux qui y recourent appartiennent au cercle des cadres, des cadres supérieurs et des politiciens de tous bords. Nous entendons sans déplaisir pérorer ces gestionnaires de la vie publique et leur cohorte de journalistes ou affidés, la bouche en cœur, affirmer que la France n’est pas raciste. N’y-a-t-il pas là que triste rhétorique de bonne conscience, plus qu’affirmation d’une réalité ?
Lorsque nous stigmatisons, par habitude, l’origine des français, nous y percevons des élans de racisme exprimés dans un esprit d’arrogance et de supériorité.
Avec un peu de recul et très peu d’imagination, nous pouvons affirmer que les américains ont donné naissance à Al Qaida en armant les talibans d’Afghanistan, comme les français ont créé l’exclusion en discriminant les français d’origine nord-africaine, par rapport aux français de souche qui se compteraient sur les cinq doigts de la main.